LES PRÉCURSEURS
L’Extrême-Orient entre tardivement dans le champ de vision des peintres occidentaux. C’est la beauté des soieries puis des porcelaines de Chine et du Japon que les marchands italiens ramènent de leurs longs périples à travers l’Asie centrale qui impressionne en premier comme en témoigne le petit bol de L’adoration des Mages d’Andrea Mantegna (1495) et que le développement du trafic maritime au XVIIe et XVIIIe siècles installe définitivement. La première rencontre picturale réelle est le fruit des quelques Jésuites qui résident pendant cette période à Pékin, plus particulièrement l’un d’entre eux, Giuseppe Castiglione (1688-1766).
Parallèlement, les échanges commerciaux au XVIIIe siècle induisent une extraordinaire mode chinoise dans toute l’Europe. La peinture, la tapisserie et la gravure en fournissent le meilleur exemple. François Boucher triomphe avec sa Suite chinoise que Louis XV offre à L’Empereur Qianlong. Et c’est à la France que ce dernier demande de réaliser les 16 gravures sur cuivre de ses Conquêtes en Asie centrale dont les dessins ont été réalisés par les Jésuites de Pékin.
L’intérêt pour l’Extrême-Orient décline pendant la première moitié du XIXe mais est entretenu par deux artistes faisant le choix de se rendre sur place : l’Anglais George Chinnery y réside même, à Macao puis à Hong-Kong, de 1825 à 1852, alternant de somptueux portraits de riches chinois et occidentaux et de plus humbles dessins de la vie du peuple des rues.
Son influence s’impose auprès de quelques peintres chinois qui rompent avec leurs traditions pour adopter les canons de la peinture occidentale. Guan Qiao Chang (1801-1860, plus connu sous son nom d’artiste Lam Qua) se distingue dans les portraits de puissants marchands de Canton.
Le Français Auguste Borget inaugure la lignée des peintres voyageurs en effectuant un tour du monde de 1836 à 1840 dont il rapporte des centaines d’aquarelles et dessins. Lors de son séjour en Asie (Inde, Philippines, Chine), il s’attache à reproduire les scènes de la vie quotidienne, présentant pour la première fois une forme de reportage sur les populations rencontrées et les lieux traversés.
À partir du milieu du siècle, les relations entre l’Occident et l’Extrême-Orient deviennent déséquilibrées et conflictuelles : les guerres de l’opium (1839-1860), l’ouverture forcée du Japon par les Américains (1853-1854) s’accompagnent souvent d’un regard colonialiste que beaucoup de dessinateurs ou caricaturistes adoptent dans la foulée de la pénétration occidentale. À l’opposé, la curiosité l’emporte chez des artistes étonnés de découvrir des civilisations millénaires : le japonisme va jouer un rôle considérable dans cette prise de conscience.
Bibliographie :
- Michèle Pirazzoli-T’Serstevens, Giuseppe Catiglione, peintre et architecte à la cour de Chine, Thalia Edition, Paris 2007
- Michel Beurdeley, Peintres jésuites en Chine au XVIIIe siècle, Anthèse édition, Arcueil 1997
- Musée des beaux-Arts et d’archéologie de Besançon, Une des provinces du rococo, la Chine rêvée de François Boucher, In Fine éditions d’art, Paris 2020
- Hong Kong Museum of history, Impressions of the East, the art of George Chinnery, Hong Kong, 2005
- Musée de l’hospice Saint Roch d’Issoudun, Auguste Borget, peintre voyageur autour du monde, Issoudun 1999
- Robin Hutcheon, Souvenirs of Auguste Borget, South China Morning post, Hong Kong 1979