EXTRÊME-ORIENT,
UN REGARD OCCIDENTAL

GEORGES BIGOT (1860-1927)

Né à Paris en avril 1860, Georges Ferdinand Bigot bénéficie tôt d’une formation artistique : d’abord avec sa mère qui était peintre miniaturiste ; à l’École des Beaux-Arts de Paris où il est élève de Léon Gérome ; avec Félix Buhot qui lui apprend l’eau-forte ; puis auprès de spécialistes du Japon comme Louis Gonse, Philippe Burty et Felix Regamey. Il commence une carrière de dessinateur dans différents journaux, illustre des ouvrages d’Émile Zola et de Pierre Loti mais il succombe à l’immense attrait que représente alors le « japonisme » en occident et décide de partir vers l’archipel nippon. Il arrive à Yokohama en janvier 1882 et va y rester 18 ans !

Pour vivre, bénéficiant de l’attrait que suscite l’occident dans toutes les couches de la société japonaise de l’ère Meiji, il enseigne le dessin à l’École Militaire de Tokyo puis le français dans l’école fondée par l’écrivain libéral Chomin Nakae, traducteur du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau.

Fin 1885, il est embauché par le journal Kaishin Shimbum (le progrès) et, parallèlement, il commence à publier des albums d’eaux-fortes (comme Croquis japonais) et à illustrer des livres. L’image qu’il va donner du Japon est bien différente de celle de Pierre Loti en 1887 dans Madame Chrysanthème.

Cette même année, il commence à éditer un journal satirique, Tobae, choisissant la voie de la caricature pour critiquer les travers du monde politique et de la société japonaise égarée parfois par une occidentalisation trop rapide. Il s’attire les remontrances des autorités, ce qui le contraint à s’installer dans la concession étrangère où il échappe à la réglementation locale. Au fil des ans, son assimilation se poursuit : il parle et écrit couramment la langue locale, épouse une japonaise dont il a un enfant, s’habille et vit comme un japonais.

Il multiplie ses publications, toujours assorties de dessins et de caricatures qui lui assurent une notoriété croissante dans les milieux éclairés : La journée d’une geisha à Tokyo, La journée d’un député, Le jour de l’an, Les aventures du capitaine Goudzougoudzou, Old England in China, Potins de Yoko – on lui doit 35 albums - sont autant de fascicules bilingues, facile d’accès et d’une grande drôlerie, durable puisque ses dessins continuent à être réédités régulièrement aujourd’hui et à être appréciés par la jeunesse.

En 1893, il voyage en Sibérie et en Chine et couvre la guerre sino-japonaise de 1894/1895 pour le journal britannique The Graphic. Cependant, regrettant la montée du nationalisme japonais et conscient des risques que représente pour lui la suppression des concessions étrangères en 1899, il juge préférable de rentrer en France où il poursuit une active carrière d’illustrateur jusqu’à sa mort en 1927.

George Bigot occupe une place à part dans le mouvement extrême-orientaliste : c’est un pionnier - seul à son époque le dessinateur britannique Charles Wirgman a fait le choix de vivre au Japon ; son long séjour se déroule entièrement au XIXe siècle alors que la société japonaise croise le maintien de ses traditions et une ouverture rapide à l’occidentalisation ; il s’exprime essentiellement par le dessin et la caricature tel qu’il l’a appris en France et ne cherche pas à adopter les techniques locales de l’estampe comme le fera la génération suivante ; il participe cependant activement à la naissance des Mangas sur les traces du précurseur qu’était Hokusai ; ce faisant, il dresse en une vingtaine d’années un extraordinaire tableau, réaliste et saisissant, du peuple japonais dans toutes ses composantes et ce « reportage » artistique unique présente un intérêt majeur. Si Georges Bigot est aujourd’hui peu connu en France, il n’en est pas de même au Japon où ses dessins sont parfois réédités et où son humour reste grandement apprécié. Il laisse aussi un grand nombre de belles toiles et d’aquarelles malheureusement très rarement exposées.

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