Lilian May Miller, Tokyo Coolie Boy 1920

EXTRÊME-ORIENT,
UN REGARD OCCIDENTAL

Brown Pieter, Jehol Manchuria in winter
M. Keen et M. Lee, Séoul, Corée, 1951

NOËL NOUET (1885-1969)

Né en 1885 en Bretagne, fils de médecin, Frédéric Anges Nouet a la chance de découvrir dès son enfance une collection d’estampes d’Utagawa Hiroshige (1797-1858) que sa mère avait acquise auprès du premier Ambassadeur de France au Japon de 1859 à 1864, Gustave Duschesne de Bellecourt . Cette admiration pour le dernier grand Maître, avec Hokusai, du monde de l’Ukiyo-e va guider toute la vie d’artiste de Noël Nouet.

Après d’excellentes études au lycée de Pithiviers puis à la Sorbonne, il travaille pour une maison d’édition (Renaissance du livre), change ses prénoms en Noël et tente une carrière littéraire en publiant à partir de 1910 des recueils de poèmes marqués par sa foi chrétienne. Il donne des cours à des étudiants étrangers, rencontre en 1912 un couple de poètes japonais séjournant à Paris, Tekkan Yosano et son épouse Akiko, nouant avec eux une longue amitié, et fréquente alors les milieux artistiques japonais de Paris. En 1926, il accepte une proposition de l’Ambassade du Japon pour occuper un poste d’enseignant de français au Lycée de Shizuoka, ville située non loin du Mont Fuji, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Tokyo. En 1929, il est nommé professeur à l’École des Langues étrangères de Tokyo et son séjour va se prolonger jusqu’en 1962 !

Noël Nouet dessinant dans les rues de Tokyo
Noël Nouet dessinant dans les rues de Tokyo

Noël Nouet en profite pour tisser des liens étroits avec les artistes locaux, notamment avec Ishii Hakutei, peintre marqué par la peinture occidentale. Cependant, toujours poursuivi par le souvenir d’Hiroshige, il s’évertue à revenir sur les lieux jadis peints par le Maître et à les dessiner, à la plume et à l’encre, devenant progressivement un des meilleurs illustrateurs de Tokyo et repéré comme tel par les éditeurs d’estampes. C’est avec l’un d’eux, Doi Sadaichi et son fils Doi Eiichi, qu’il va travailler à partir de 1936, côtoyant, dans cette maison d’édition devenue l’un des principaux foyers de création du mouvement Shin-hanga, des artistes comme Hasui Kawase (1883-1957) et Koitsu Tsuchiya (1870-1949). Les dessins de Noël Nouet sont consacrés uniquement aux lieux emblématiques de Tokyo, du Palais impérial aux quartiers de Ginza ou de Kanda et une série de 24 estampes est ainsi finalisée en 1937. Un an plus tard, son premier recueil est publié sous le titre Tokyo, ville ancienne, capitale moderne, cinquante croquis et ses dessins sont publiés dans le quotidien Japan Times et en de nombreuses cartes postales. Nommé Directeur de la Maison Franco-Japonaise, son succès lui valut le surnom, un peu flatteur, d’Hiroshige IV.

Recueil publié par Noël Nouet en 1937 Recueil publié par Noël Nouet en 1946
Les recueils publiés par Noël Nouet en 1937 et en 1946

Quand la guerre éclate, Noël Nouet fait le choix de rester au Japon et, comme de nombreux étrangers, finit par être enjoint de se retirer loin de Tokyo, à Karuizawa (où il retrouve son compatriote Paul Jacoulet, mais les deux Français ne semblent pas avoir eu de liens étroits).

Après la guerre, il reprend sa carrière de professeur à l’Université Waseda de Tokyo et a l’honneur d’être choisi en 1951 pour enseigner le français au jeune Prince héritier Akihito (qui sera plus tard empereur de 1989 à 2019). En 1956, il est fait Chevalier de la Légion d’honneur et un an plus tard l’Université de Tokyo lui décerne le titre de Docteur honoris causa pour sa thèse Edmond de Goncourt et les arts japonais. Parallèlement, il avait publié en 1946 un nouveau recueil de dessins, Tokyo, Fifty Sketches, qui mêle des images de l’ancienne capitale, de lieux dévastés par les bombardements et des vues de la ville moderne (une nouvelle édition augmentée paraît en 1948). La première exposition de ses œuvres a lieu en décembre 1950 à la galerie Mannendo à Ginza. Enfin, il publie en 1961 une Histoire de Tokyo, qui sera traduite en anglais en 1995 sous le titre de The Shogun’s city, bien après sa mort survenue le 2 octobre 1969.

Noël Nouet n’est pas le plus représentatif du mouvement extrême-orientaliste mais il a participé activement à la relation culturelle franco-japonaise. Littéraire dans l’âme, il se voulut aussi dessinateur, se rapprochant en cela de Georges Bigot. Mais alors que celui-ci s’intéressait aux gens qu’il rencontrait et brossait avec verve un tableau de la société de son temps, celui-là a préféré mettre ses pas dans ceux d’Hiroshige en nous livrant, avec modestie, des images nostalgiques d’une ville à la veille de profonds changements.

Le pont de Kameido, peint par Utagawa Hiroshige en 1857, qui inspira Claude Monet avant Noël Nouet
Le pont de Kameido, peint par Utagawa Hiroshige en 1857, qui inspira Claude Monet avant Noël Nouet

Bibliographie :

  • Tokyo, Ville ancienne, capitale moderne, cinquante croquis, Maison Franco-Japonaise, Tokyo, 1938
  • Tokyo, Fifty Sketches, à compte d’auteur, Tokyo, 1946
  • Autour du Palais Impérial, Tokyoshuppan, 1947
  • Histoire de Tokyo, Maison Franco-Japonaise-Presses Universitaires de France, Paris, 1961

La collection

Le temple et le pont de Kameido, 1936, gravure sur bois, 36 x 29 cm. Coll. J.D.
Le temple et le pont de Kameido, 1936, gravure sur bois, 36 x 29 cm. Coll. J.D.
Le temple Honmon-ji dans le quartier d’Ikegami, 1937, gravure sur bois, 36 x 29 cm. Coll. J.D.
Le temple Honmon-ji dans le quartier d’Ikegami, 1937, gravure sur bois, 36 x 29 cm. Coll. J.D.
Le temple Senso-ji dans le quartier d’Asakusa, 1936, gravure sur bois, 36 x 29 cm. Coll. J.D.
Le temple Senso-ji dans le quartier d’Asakusa, 1936, gravure sur bois, 36 x 29 cm. Coll. J.D.
La porte Sakurada du Palais Impérial de Tokyo, 1936, gravure sur bois, 39 x 26 cm. Coll. J.D.
La porte Sakurada du Palais Impérial de Tokyo, 1936, gravure sur bois, 39 x 26 cm. Coll. J.D.