THOMAS HANDFORTH (1897-1948)
Thomas Scofield Handforth est originaire de Tacoma, près de Seattle dans l'État de Washington. Selon ses propres dires, il dessine depuis sa plus tendre enfance et a été très tôt attiré par l’art asiatique entrevu pour la première fois sous la forme d’un pont japonais en demi-lune du Point Defiance Park de Tacoma puis par la découverte des estampes d’Hokusai et d’Hiroshige. Visitant la Foire exposition de San Francisco en 1915, il est fortement impressionné par la statue du grand Bouddha Daibutsu du Pavillon japonais comme par la Chinatown qui inspire alors bon nombre d’artistes américains, et par les coûteuses porcelaines chinoises exhibées par les grands magasins Gump. Plus tard, après un an à l’Université de Washington et une formation à The Art Students League de New York, il part pour Paris étudier à l’École des Beaux-Arts qu’il juge très académique. Il est beaucoup plus attiré par l’œuvre d’Aubrey Beardsley (1872-1898) comme par les créations d’Edmond Dulac (1882-1953) et de Kay Nielsen (1886-1957) et par le monde entrevu de l’Arlequin de Picasso (1917). Ses dessins porteront plus tard effectivement leur marque comme celle de son meilleur ami de Paris, le peintre géorgien Lado Gudiachvili (1896-1980).
Dans les années 1920, il fait de longs séjours en Angleterre, en Autriche, en Hongrie, en Tunisie, au Maroc, au Canada, au Mexique et en rapporte une multitude de dessins. Sa page asiatique s’ouvre enfin en 1931 quand il obtient de la Fondation Guggenheim une bourse de voyage d’études en Asie. Il séjourne d’abord au Japon mais décide finalement de se fixer en Chine, à Shanghai d’abord puis à Pékin. Il va y rester six ans, vivant à la chinoise, dans une maison à cour carrée classique mais délabrée, carnet de dessins toujours en mains, avec pour principale attirance le petit peuple et les saltimbanques des rues. Conscient d’avoir trouvé là les sujets de sa création qu’il cherchait depuis sa jeunesse, il s’équipe du matériel nécessaire pour produire gravures et lithographie et crée ses meilleures œuvres.
Mais ce qui va le rendre durablement célèbre est un livre pour enfants abondamment illustré qu’il publie en 1938, titré Mei Li, et qui raconte l’histoire d’une petite fille pauvre qui découvre les mystères de la fête du Nouvel An dans la grande ville. Le succès aux États-Unis est immense, à proportion de la sympathie accordée à la Chine après l’agression japonaise, et vaut à Thomas Handforth la prestigieuse Caldecott Medal qui récompense chaque année le meilleur livre pour enfants.
Cependant en 1939, considérant la dangereuse détérioration de la situation politique et militaire à Pékin, Thomas Handforth décide de quitter le pays qu’il aimait tant pour rentrer aux Etats-Unis. Il entreprend pendant la guerre d’enseigner l’art à des handicapés mentaux avant de s’installer à San Francisco mais y décède brutalement en 1948 d’une crise cardiaque.
Le plus extraordinaire est que Mei Li a réellement existé : née en 1934 dans la province de l’Anhwei, elle est confiée par ses pauvres parents à la Mission protestante locale puis est adoptée par Helen Burton, américaine vivant à Pékin depuis 1921 et connue pour avoir tenu la célèbre boutique The Camel Bell Shop, sise dans l’Hôtel des Wagons-lits de Pékin et qui exposait volontiers les artistes occidentaux vivant en Chine (Bertha Lum y vendait ses œuvres ; internée par les Japonais en 1943 au camp de Wei-Hsien, Helen Burton a dû y revoir Katharine Jowett). C’est par elle que Thomas Handforth fit la connaissance de Mei Li et il s’en servit comme modèle pour l’héroïne de son livre. Rentrée aux Etats-Unis après sa libération en 1945, Hélène Burton tenta de maintenir un contact avec Mei Li, apprenant qu’elle avait été recueillie par une Mission Méthodiste, mais tout lien devint impossible après l’arrivée des communistes au pouvoir.
Thomas Handforth n’est pas l’artiste le plus accompli de ceux que nous étudions ici même si son souvenir aux États-Unis est vivace, notamment dans plusieurs musées et universités. Il fut d’abord un dessinateur et un illustrateur brillant et ses œuvres s’apparentent parfois à celles de Cyrus Leroy Baldridge ou, plus anciennement, à celles de Georges Bigot. Mais comme ces derniers, sans doute par la proximité avec les Chinois les plus simples et par l’empathie qu’il leur manifeste, il trace un tableau de la Chine des années 1930 particulièrement tendre et chaleureux tout en gardant un style acquis dans sa jeunesse, au voisinage des peintres qu’il avait rencontrés à Paris.
Bibliographie :
- Mei Li, by Thomas Handforth, Doubleday Doran & Cy, New York, 1938
- Faraway Meadow, by Thomas Handforth, Doubleday Doran & Cy, New York, 1939
- The secret of the porcelain fish, by Margery Evernden, illustrated by Thomas Handforth, Random House, 1947
- Shanghai’37, by Vicky Baum, illustrated by Thomas Handforth, The book league of America, New York, 1940
- The dragon and the eagle, by Delia Goetz, illustrated by Thomas Handforth, Vanguard, New York, 1944
- Tranquilina’s Paradise, by Susan Smith, illustrated by Thomas Handforth, Milton, Balch and Co., New York, 1930
- Toutou in bondage, by Elizabeth Coatsworth, illustrated by Thomas Handforth, The Mac Milan Cy, New York, 1929