Lilian May Miller, Tokyo Coolie Boy 1920

EXTRÊME-ORIENT,
UN REGARD OCCIDENTAL

Brown Pieter, Jehol Manchuria in winter
M. Keen et M. Lee, Séoul, Corée, 1951

PAUL JACOULET ET LA CHINE

Paul Jacoulet n’a pas fait de longs séjours en Chine, alors qu’il a arpenté à de nombreuses reprises le Japon, la Corée et le Pacifique. Partant de Séoul où résidait sa mère, il s’est cependant offert plusieurs incursions. Il y séjourne notamment en mai 1934, accompagnant en Mandchourie le Baron belge Marcel Baeyans qui était administrateur de la Compagnie Internationale des Wagons-lits, et a peut-être poussé jusqu’en Mongolie puisque huit de ses estampes ont ce pays pour cadre. Il fera également un bref séjour à Hong Kong en 1954.

Avec vingt-six estampes, la Chine occupe cependant une place importante et continuelle dans son œuvre : Les Marionnettes chinoises est l’une de ses premières estampes (1935) et La tragédienne la toute dernière, signée en janvier 1960, deux mois avant sa mort. Il ne s’égare pas dans les mythes et légendes chères à Bertha Lum et ne peint pas les bâtiments somptueux de Pékin comme Katharine Jowett ou des scènes de rue comme Elizabeth Keith. C’est un portraitiste : la Chine peinte par Jacoulet est toujours un tableau magnifié de la société chinoise de la première moitié du XXè siècle et on y rencontre à la fois des princesses mandchoues sophistiquées et des personnages qui semblent parfois sortis du Lotus bleu d’Hergé.

Bon nombre de ses estampes « chinoises » sont titrées Mandchoukuo. La Mandchourie est en effet passée sous contrôle japonais en 1931 avec la création éphémère d’un Etat où, jusqu’en 1945, règne de manière fictive le dernier empereur mandchou Pu Yi. Paul Jacoulet s’est toujours tenu éloigné de la politique et il n’a jamais émis le moindre jugement public sur les actions de l’empire nippon, que ce soit en Chine, en Corée ou dans les îles du Pacifique. Mais les portraits qu’il nous livre sont autant de manifestes pour que l’identité de ces pays soit préservée et la personnalité de leurs habitants respectée.

Comme pour tous les Japonais, l’art et la culture de la Chine exerce sur Jacoulet une fascination véritable : y domine la vision d’une Beauté impériale, éclatante dans Les jades, Les perles ou Le lotus noir et plus encore dans l’exceptionnelle série des Princesses mandchoues, cinq estampes réalisées en 1942 et qui ponctue la première période de sa production artistique que la guerre va longuement suspendre. Jacoulet atteint ici le sommet de son art, par la complexité de la composition, la précision des détails, la magnificence et la diversité des couleurs et de précieux ingrédients – mica, gaufrage, poudres d’or et d’argent - et la technicité de la gravure et de l’impression poussée à l’extrême.

Mais éclate aussi dans son œuvre la description d’une société chinoise traditionnelle, d’une grande simplicité, artisanale et populaire, avec des portraits de personnages au regard nostalgique dont la beauté façonnée par l’artiste assure l’éternité.

L’écrivain Victor Segalen avait la même foi dans la Beauté, « une Foi toute entière esthétique, une recherche exclusive de la Beauté, un désir permanent de tendre partout à la Beauté, d’en réaliser un reflet dans ses pensées, dans ses actes, surtout dans ses œuvres – et cela sans jamais prétendre à embrasser, ni déterminer, ni fixer la Beauté ».

La collection

Marionnettes chinoises, avril 1935. Coll. J.D.
Marionnettes chinoises, avril 1935. Coll. J.D.
Le tabouret de porcelaine, Mandchoukuo, juin 1936. Coll. J.D.
Le tabouret de porcelaine, Mandchoukuo, juin 1936. Coll. J.D.
La balance, Chinois, février 1939. Coll. J.D.
La balance, Chinois, février 1939. Coll. J.D.
Les jades, Chinoise, février 1940. Coll. J.D.
Les jades, Chinoise, février 1940. Coll. J.D.
Vendeur de masques, Chinois, décembre 1940. Coll. J.D.
Vendeur de masques, Chinois, décembre 1940. Coll. J.D.
Les joueurs, Chinois, juin 1941. Coll. J.D.
Les joueurs, Chinois, juin 1941. Coll. J.D.

La série « Bat » des Princesses Mandchoues

En 1940, Paul Jacoulet est en pleine possession de ses talents créateurs. Depuis ses premières estampes de 1934, il a acquis une totale maîtrise des techniques de la gravure sur bois. Il entreprend alors une série consacrée aux Princesses Mandchoues avec la volonté d’atteindre un degré de perfection et de sophistication rarement atteint par les meilleurs artistes japonais. Il bénéficie également pleinement de la collaboration du graveur Kentaro Maeda et de l’imprimeur Shunosuke Fujii. Cette série est aussi appelée la série « Bat » du nom du sceau qui figure sur chacune des cinq estampes et qui signifie « bonne chance ».

La réalisation est particulièrement éprouvante : Jacoulet est profondément affecté par le décès de sa mère à Séoul en octobre 1940. Des liens très étroits les unissaient depuis son enfance et il lui était particulièrement reconnaissant de l’aide permanente qu’elle lui avait fournie et qui lui avait permis de se consacrer pleinement à sa vocation d’artiste. C’est à elle qu’il dédie cette série. En outre, dès décembre 1941, la guerre entre le Japon et les États-Unis perturbe grandement la vie des étrangers à Tokyo et Jacoulet a conscience qu’il n’aura bientôt plus la possibilité de poursuivre son œuvre. Son objectif est cependant atteint le 15 avril 1942 avec la publication de cette série emblématique.

Le bocal de poissons rouges, avril 1942. Coll. J.D.
Le bocal de poissons rouges, avril 1942. Coll. J.D.
Avant l’audience, série des Princesses Mandchoues, avril 1942. Coll. J.D.
Avant l’audience, série des Princesses Mandchoues, avril 1942. Coll. J.D.
La favorite, série des Princesses Mandchoues, avril 1942. Coll. J.D.
La favorite, série des Princesses Mandchoues, avril 1942. Coll. J.D.
La confidente, série des Princesses Mandchoues, avril 1942. Coll. J.D.
La confidente, série des Princesses Mandchoues, avril 1942. Coll. J.D.
Dans la loge officielle, série des Princesses Mandchoues, avril 1942. Coll. J.D.
Dans la loge officielle, série des Princesses Mandchoues, avril 1942. Coll. J.D.
L’homme accroupi, Chinois, novembre 1947. Coll. J.D.
L’homme accroupi, Chinois, novembre 1947. Coll. J.D.
La soupe aux huîtres, Chinois, mai 1948. Coll. J.D.
La soupe aux huîtres, Chinois, mai 1948. Coll. J.D.
Fumées de santal, Mandchoukuo, décembre 1948. Coll. J.D.
Fumées de santal, Mandchoukuo, décembre 1948. Coll. J.D.
Une histoire très drôle, Mongols, avril 1949. Coll. J.D.
Une histoire très drôle, Mongols, avril 1949. Coll. J.D.
Le Mandarin aux lunettes, Mandchoukuo, mai 1950. Coll. J.D.
Le Mandarin aux lunettes, Mandchoukuo, mai 1950. Coll. J.D.
La corbeille de nèfles, Chinois, mai 1950. Coll. J.D.
La corbeille de nèfles, Chinois, mai 1950. Coll. J.D.
Les perles, Mandchoukuo,  décembre 1950. Coll. J.D.
Les perles, Mandchoukuo, décembre 1950. Coll. J.D.
La pipe à eau, Chinoise,  décembre 1952. Coll. J.D.
La pipe à eau, Chinoise, décembre 1952. Coll. J.D.
L’homme qui écrit, Chinois, mars 1953. Coll. J.D.
L’homme qui écrit, Chinois, mars 1953. Coll. J.D.
L’homme heureux, Chinois, septembre 1955. Coll. J.D.
L’homme heureux, Chinois, septembre 1955. Coll. J.D.
La statuette Tang, Mandchoukuo, janvier 1956. Coll. J.D.
La statuette Tang, Mandchoukuo, janvier 1956. Coll. J.D.
Jeu princier, Mongol, septembre 1956. Coll. J.D.
Jeu princier, Mongol, septembre 1956. Coll. J.D.
Le chant des fileuses, Mongolie, février 1958. Coll. J.D.
Le chant des fileuses, Mongolie, février 1958. Coll. J.D.
Hong Kong, décembre 1958. Coll. J.D. (Jacoulet passe à Hong Kong en octobre 1954, première étape de son tour du monde. De ce long périple, seule l’étape de Hong Kong fera naître une estampe quatre ans plus tard).
Hong Kong, décembre 1958. Coll. J.D. (Jacoulet passe à Hong Kong en octobre 1954, première étape de son tour du monde. De ce long périple, seule l’étape de Hong Kong fera naître une estampe quatre ans plus tard).
La prière de Minuit, Lama, Mongol, mars 1959. Coll. J.D.
La prière de Minuit, Lama, Mongol, mars 1959. Coll. J.D.
Le lotus noir, Chine, avril 1959. Coll. J.D.
Le lotus noir, Chine, avril 1959. Coll. J.D.
La tragédienne, Mandchoukuo, janvier 1960. Coll. J.D.
La tragédienne, Mandchoukuo, janvier 1960. Coll. J.D.
La cruche, Mongolie, Surimono (10 x 15 cm), sans date (années 50). Coll. J.D.
La cruche, Mongolie, Surimono (10 x 15 cm), sans date (années 50). Coll. J.D.