Lilian May Miller, Tokyo Coolie Boy 1920

EXTRÊME-ORIENT,
UN REGARD OCCIDENTAL

Brown Pieter, Jehol Manchuria in winter
M. Keen et M. Lee, Séoul, Corée, 1951

PIETER IRWIN BROWN (1903-1988)

Un parfum de mystère entoure la vie de Pieter Irwin Brown et force est de constater que nous savons peu de choses de lui.

Il naît en 1903 à Rotterdam, fait ses études à Utrecht et reçoit très vite une éducation artistique. À 18 ans, il entre à la Royale Académie d’Amsterdam où il suit les cours de Johannes H. Jurres, à l’époque peintre célèbre. Études faites, il entreprend plusieurs voyages en Europe et en Afrique, notamment en Tunisie où il s’initie à la peinture orientaliste. Il s’installe en définitive à Londres où il ouvre une petite entreprise de publicité prometteuse en créant des affiches de qualité pour quelques grandes compagnies.

Affiche publicitaires dessinée en Angleterre dans les années 1920 par Pieter Irwin Brown Affiche publicitaires dessinée en Angleterre dans les années 1920 par Pieter Irwin Brown Affiche publicitaires dessinée en Angleterre dans les années 1920 par Pieter Irwin Brown
Affiches publicitaires dessinées en Angleterre dans les années 1920 par Pieter Irwin Brown

À nouveau, sa soif de voyage l'entraîne en Égypte puis en Indonésie, à Java, où il reste deux ans. Il tire de modestes revenus de la vente de dessins et peintures dont il ne reste malheureusement aucune trace. En 1934, il décide de s’installer au Japon, à Kyoto : c’est pour lui une découverte cardinale pour la poursuite de son œuvre. Comme pour d’autres artistes occidentaux débarquant au Japon, sa rencontre avec Watanabe Shozaburo est déterminante. Grâce à son aide, ses dessins et aquarelles deviennent de magnifiques gravures sur bois. Preuve de la qualité exceptionnelle des œuvres de Brown aux yeux des maîtres japonais, il reçoit également l’appui du second grand éditeur de l’entre-deux guerres, Adachi Toyohisa, appui qu’il n’accorda à aucun autre artiste occidental. Il profite de longs séjours en Corée et en Chine pour donner naissance à des estampes d’une grande limpidité, au trait sûr et aux douces couleurs, à l’égal d’Elizabeth Keith. Cependant, contrairement aux autres artistes venus de l’Ouest, notamment Paul Jacoulet, il ne fait aucun portrait mais uniquement des paysages. C’est aux portes de la Mandchourie, à Jehol (aujourd’hui Chengde), la capitale d’été des grands empereurs Kangxi et Qianlong, qu’il trouve la meilleure inspiration pour créer une dizaine d’œuvres exceptionnelles ayant la Chine pour sujet. La splendeur des palais et des temples ridés par le temps et magnifiés par l’éclat de la neige hivernale donnent à ces paysages de la Chine du Nord une beauté et une vérité inégalées. C’est peut-être lui aussi qui s’approche le plus du style des deux grands peintres japonais du mouvement Shin-hanga de l’époque, Hiroshi Yoshida et Hasui Kawase.

Chinese temple in snow, sans date
Chinese temple in snow, sans date

Un grand nombre d’œuvres de Pieter Irwin Brown ont été perdues et on ne connaît de lui qu’une trentaine d’estampes, quelques affiches publicitaires produites en Angleterre et au Japon et les illustrations qu’il fit en 1939 pour le livre de Henri Noël «Karakoro, at home in Japan ».

Bridge over river, Jehol, 1937
Bridge over river, Jehol, 1937
Jehol, Mandchuria, 1937
Jehol, Mandchuria, 1937

Pieter Irwin Brown s’était marié avec une danseuse russe, Slavina, formée à l’École de Ballet de Saint-Pétersbourg et qui au Japon pratiquait les danses du théâtre Kabuki , sous la direction du Maître Fujima Kanjuro VI. Désespéré de voir l’âme japonaise qu’il aime tant sombrer dans la brutalité soldatesque, les Brown réside un temps à Pékin où ils se lient d’amitié avec le Père Teilhard de Chardin. La montée des périls dans le Pacifique les force à quitter l’Asie à la fin de 1940 et à s’établir aux États-Unis, en Californie, où ils vont vivre désormais. Mais, Pieter Irwin Brown renoncera définitivement à l’estampe et aux paysages de l’Extrême-Orient.

Cette rupture dans la vie de Brown prend au lendemain de la guerre une forme surprenante : il décide de changer d’identité en se faisant désormais appelé Pieter Van Oort. Les raisons d’un tel comportement restent mystérieuses : plaie familiale ancienne s’agissant du nom de jeune fille de sa mère ? Tentative de rompre avec sa vie précédente comme le croient ceux qui lui inventent un passé d’espion ? Plus vraisemblablement, signe de la fin des attraits et des espoirs qu’il plaçait dans une civilisation et une culture différente de la sienne pour asseoir sa force de création artistique. Sous son nouveau nom, il produit encore quelques toiles sombres et tristes mais ne fait plus parler de lui pendant presque 40 ans jusqu’à sa mort en 1988, à New York.

Shrine in Tokyo, 1936
Shrine in Tokyo, 1936

Bibliographie :

  • Karakoro, at home in Japan, de Henri Noël, avec 11 illustrations de Pieter Irwin Brown, The Hokuseido Press, Tokyo, 1939

La collection

Fuji from Mitsuhama, 1937. Coll. J.D.
Fuji from Mitsuhama, 1937. Coll. J.D.
Chinese landscape, sans date. Coll. J.D.
Chinese landscape, sans date. Coll. J.D.
Jehol in winter, 1937. Coll. J.D.
Jehol in winter, 1937. Coll. J.D.