HELEN HYDE (1868-1919)
Helen Hyde occupe une place particulière dans l’école extrême-orientaliste : elle est la pionnière de l’installation au Japon, celle qui fait le choix de la technique locale de la gravure sur bois et aussi la première « féministe » du mouvement.
Née en 1868 à New York, elle bénéficie de l’entourage d’une famille à la fois chaleureuse (formant un trio inséparable avec ses deux sœurs Mabel et Hallie), aisée depuis la ruée vers l’or et la conquête de l’ouest à laquelle ont participé les grands-parents au milieu du siècle et consciente de l’importance de l’éducation artistique à donner aux filles. Helen est donc dès 1880 conseillée par deux peintres d’origine danoise, Ferdinand Richardt, puis Emil Carlsen. Après le décès de son père en 1882, sa tante paternelle - Augusta Bixler - devient le pilier financier de la famille et cela lui permet de suivre les cours de The old San Francisco School of design puis à New York de The Art Student League avant de prendre en 1890 la décision fondamentale de partir compléter sa formation en Europe.
Accompagnée de sa sœur Mabel qui se consacre à la musique, elle réside d’abord un an à Berlin où elle suit les cours de Franz Skarbina et découvre les Pays-Bas et l’Angleterre. Mais Paris est alors le but ultime des artistes de l’époque et elle y passe les trois années suivantes. Ses principaux maîtres seront Raphaël Collin et Félix Regamey, tous deux chantres du japonisme alors en pleine vogue. Sa rencontre avec l’américaine Mary Cassatt est aussi déterminante, à deux titres : celle-ci, déjà auréolée par son compagnonnage avec le groupe des impressionnistes, découvre alors les œuvres d’Utamaro et de Toyokuni et tombe sous l’influence de l’esthétique de l’estampe japonaise, pratiquant la pointe sèche et l’aquatinte. En outre, Mary Cassatt a pour thème principal les portraits de femmes et d’enfants. Japonisme et féminité seront aussi les deux axes de l’œuvre d’Helen Hyde, la gravure devenant son mode principal d’expression.
À son retour en 1894 aux États-Unis, ce sont les voies qu’elle explore en prenant pour modèles les enfants de la Chinatown de San Francisco, haut lieu de fascination des artistes américains de l’époque. Elle rejoint le San Francisco Sketch Club, créé en 1887, qui regroupe les artistes féministes de la ville. Elle y joue un rôle actif et ses gravures obtiennent de premiers succès avec le soutien, qui sera durable, de deux célèbres marchands d’art, sur place William Vickery et, à New York, William Macbeth. Elle a également l’occasion d’illustrer plusieurs livres.
Marque de l’exceptionnelle personnalité d’Helen Hyde et de son attirance pour l’Asie : elle décide en 1899 de partir au Japon. Elle y passera désormais la majeure partie de sa vie. Sur place, elle obtient à ses débuts l’aide d’un artiste autrichien, Emil Orlik, lui aussi pionnier de l’extrême-orientalisme et qui l’initie aux techniques locales de la gravure sur bois. Assez vite, elle prend conscience que la maîtrise de toutes les étapes de la réalisation de telles estampes est trop lourde et elle s’entoure des meilleurs spécialistes locaux de la taille et de l’impression des gravures, notamment Kano Tomonobu et Shohiro Murata. Elle vit désormais à la japonaise, voyage en Inde et à plusieurs reprises en Chine, séjourne une année au Mexique, revient à intervalles réguliers aux États-Unis pour entretenir ses contacts avec les galeries les plus prestigieuses, et acquiert une belle notoriété qui lui assure une confortable indépendance financière.
Atteinte d’un cancer, elle est contrainte en 1915 de revenir aux États-Unis où elle s’éteint à Pasadena en mai 1919, un mois avant que se tienne à San Francisco une rétrospective de 140 de ses œuvres.
En dehors des périodes de Chinatown et du Mexique et quelques rares évocations de Chine et d’Inde, la seule source d’inspiration d’Helen Hyde aura été le Japon. Plus encore, elle est la première à maîtriser les techniques locales de la gravure sur bois et à avoir conscience de la nécessité de s’intégrer dans un processus de création partagée avec des graveurs et imprimeurs locaux. Elle invente ainsi la démarche que suivront les chefs de file du mouvement que seront Elizabeth Keith, Charles Bartlett et Paul Jacoulet. Elle a également pour sujets quasiment uniques les portraits de femmes et surtout d’enfants, appellation qu’elle donnait à ses gravures : c’est le fruit d’une grande sensibilité et d’une féminité assurée. Helen Hyde, élevée dans un milieu très féminin, restée toujours proche de ses sœurs, ne s’est jamais mariée et n’a jamais eu d’enfants. Ses nombreuses et fidèles amitiés ont été des artistes féminines. Elle s’est forgé seule une réelle indépendance en choisissant de vivre à l’étranger, dans un monde totalement différent du sien, et en bâtissant son autonomie financière. Les succès de ses nombreux portraits sont cependant en partie sa seule faiblesse : la recherche de la réussite l’a amené à privilégier les sujets « commerciaux » et on peut le regretter en voyant les quelques œuvres où elle s’en échappe pour peindre des scènes ou des paysages de toute beauté.
Bibliographie :
- Helen Hyde, by Tim Masson and Lynn Mason, Smithsonian Institution Press, Washington, 1991
- Helen Hyde and her “children”, by Shiloh MacMurtrey, Arizona state university, 2006
- Helen Hyde and her work, an appreciation, by Bertha E. Jaques, Libby Press, Chicago, 1922
- Moon Babies, by G.Orr Clark, with 41 illustrations by Helen Hyde, R.H. Russell, New York, 1900
- Jingles from Japan, by Mabel Hyde, with 43 relief prints by Helen Hyde, A.M. Robertson, San Francisco, 1902