CHARLES WIRGMAN (1832-1891)
Charles Wirgman est un pionnier du mouvement extrême-orientaliste. Arrivé au Japon dès 1861, il y réside jusqu’à sa mort trente ans plus tard. C’est d’abord un illustrateur, correspondant de journaux londoniens et créateur du premier magazine japonais, Japan Punch. Il est avec Georges Bigot le premier à présenter, souvent sous forme de caricatures, la vie quotidienne des Japonais des premières décennies de l’ère Meiji. C’était aussi un portraitiste et un paysagiste plein de sensibilité.
FÉLIX RÉGAMEY (1844-1907)
Après un début de carrière consacré à l’illustration, il accompagne l’industriel Émile Guimet dans un long périple en Extrême-Orient en 1876/1877. Ce dernier a le projet d’acquérir un grand nombre d’objets artistiques qui seront à la base du Musée qui porte son nom à Paris. Félix Régamey se charge de dessiner des esquisses de scènes et de portraits qu’il reprendra de retour à Paris pendant de longues années, alimentant le courant du Japonisme dont il est un animateur constant en France.
LOUIS SABATTIER (1863-1935)
Ardéchois d’Annonay, Louis Rémy Sabattier s’est formé aux Beaux-Arts de Saint-Étienne avant de rejoindre l’Académie Jullian à Paris et de devenir un des élèves de Jean-Léon Gérôme. Il devient dès 1895 un fidèle dessinateur pour le grand hebdomadaire de l’époque, L’Illustration. C’est à ce titre qu’il effectue plusieurs voyages en Asie, notamment au Tonkin et en Chine et en rapporte de nombreux dessins et quelques toiles qui font connaître l’Extrême-Orient au grand public.
HIROSHI YOSHIDA (1876-1950)
Les Yoshida forment quatre générations de peintres-graveurs, Hiroshi faisant partie de la deuxième. Il a été le principal acteur de la reprise de l'Ukiyo-e et du mouvement Shin-hanga en travaillant au départ avec Watanabe Shozaburo puis en fondant son propre cabinet. Il a une particularité dans le monde de l'Ukiyo-e : tout en restant profondément pétri de traditions nationales, il a beaucoup voyagé contrairement aux autres peintres nippons et a été très vite influencé par la peinture occidentale. Cette bipolarité explique en partie son succès international. C’est aussi la raison de sa présence paradoxale dans cette revue qui ne traite a priori que des artistes occidentaux. J’ai considéré que son regard sur l’étranger - l’Occident ou l’Asie continentale, paysages ou scènes quotidiennes auxquels il a consacré de nombreuses œuvres - participait d'une démarche similaire à celle qui motivait nos peintres occidentaux quand ils débarquaient en Extrême-Orient au début du XXe siècle. Quelques-unes de ses œuvres sur la Chine ont été retenues (car ici encore, même ce pays très proche du Japon a rarement été peint par les artistes nippons de l’époque). Il y fit un premier séjour en 1936 puis y passa deux ans de 1938 à 1940 comme correspondant de guerre.
DAN SAYRE GROSBECK (1878-1950)
Daniel (Dan) Sayre Grosbeck figure en partie dans cette revue à cause du mystère qui l’entoure. Sa biographie reste peu documentée et son souvenir demeure surtout grâce à sa période « hollywoodienne » de l’entre-deux guerres. Il fut en effet l’assistant de plusieurs metteurs en scène célèbres (dont son ami personnel Cecil B. DeMille) en étant responsable des décors, costumes et dessins nécessaires à la création ou à la distribution des films. Il fut également un peintre de fresques murales défrisantes pour des institutions de la ville de Santa Barbara en Californie. Cependant, Dan Sayre Grosbeck a eu parallèlement une vie d’aventures peu connues qui inspirèrent manifestement toute son œuvre de peintre. Certaines sources le voient en 1905 comme correspondant de guerre de journaux américains quand s’affrontent la Russie et le Japon ; on sait qu’il s’est engagé dans l’armée canadienne pour participer à la seconde guerre mondiale en Europe et qu’il a parcouru la Russie au sein de détachements de l’armée blanche contre les rouges. Si son travail à Hollywood a stabilisé sa vie, il n’en a pas moins poursuivi ses voyages, notamment en Chine, parfois pour la préparation des décors et de costumes de films comme en 1937 Lost Horizon et The Good Earth. Il est notamment l’auteur de portraits saisissants de Tibétains hauts en couleurs qui ne sont pas sans rappeler ceux que faisait Léa Lafugie à la même époque.
HENRI GERVÈSE (1880-1959)
De son vrai nom Charles Millot, Henri Gervèse fut à la fois officier de marine et peintre. Diplômé de l’École Navale, il a servi de nombreuses années en Chine, notamment comme Commandant de la canonnière Doudart de Lagrée qui arpentait le Yang Zi Jiang entre Shanghai et Chong Qing à la veille de la première guerre mondiale. Officiellement peintre de la Marine, il a bâti une œuvre d’aquarelles et de lithographies très variées et colorées où alternent des marines, des portraits, des paysages, des dessins humoristiques, des cartes postales. Il nous offre une vision originale de l’Extrême-Orient, parfois proche de la bande dessinée.
ERNEST STEPHEN LUMSDEN (1883-1948)
Britannique, Ernest Lumsden a été l’élève de Frank Morley Fletcher (1866-1949) qui fut l’un de ceux qui fît connaître la gravure japonaise sur bois en Angleterre. Il a également étudié à l’Académie Julian à Paris. Son œuvre comporte environ 350 gravures dont un certain nombre sont le fruit de ses voyages en Inde, au Japon, en Corée et en Chine (on n’en recense que 6 dans ce dernier pays). A noter que Lumsden gravait et imprimait lui-même ses créations. Il était l’époux de Mabel Allington Royds, elle-même artiste réputée.
MAX POLLACK (1886-1970)
Né à Prague, Max Pollack passe la première moitié de sa vie à Vienne avant d’émigrer en 1927 aux États-Unis. Il y poursuit une carrière active de dessinateur aux nombreuses récompenses. Habitant San Francisco, il subit comme beaucoup d’artistes locaux l’attraction de la Chinatown et offre ainsi plusieurs portraits, dans la lignée de John Winkler ou de Frederick Robbins.
FREDERICK GOODRICH ROBBINS (1893-1974)
Frederick Robbins fait partie de ces peintres qui habitaient San Francisco au début du XXe siècle et qui aimait trouver dans la Chinatown des sources d’inspiration. Cependant, il n’est qu’un simple compagnon de route de l’école extrême-orientaliste.
ERIC GORDON MACCOLL (1893-1976)
De père écossais et ayant pour mère une princesse birmane, E.G. MacColl a passé toute sa vie en Birmanie. Après avoir servi dans les troupes britanniques, il s’est consacré entièrement au dessin et à la gravure de paysages et de portraits de la société birmane, menant une vie austère et de pauvreté, totalement assimilé à son pays d’accueil. On ne sait quasiment rien de lui mais ses œuvres font penser à Thomas Handforth ou à Willy Seiler. Vendues aux militaires britanniques sur place et fixées sur un papier fragile, elles restent assez nombreuses pour révéler un talent incontestable d’illustrateur et une forte sensibilité née de l’amour qu’il porte au peuple dont il a choisi de partager le sort.
ALIX AYMÉ (1894-1989)
Élève du célèbre peintre Maurice Denis, Alix Aymé est sans doute l’une des artistes les plus brillantes de l’école extrême-orientaliste tout en ayant fondé une œuvre qui dépasse le cadre de cette étude. Elle a vécu en Indochine et en Chine la période de l’entre-deux guerres et son art en a été profondément marqué. Professeur de dessin au lycée français de Hanoi, chargée de la préparation de l’Exposition coloniale de 1931, professeur à l’École des Beaux-Arts de l’Indochine, elle appartient plus au groupe des peintres spécialistes de l’Indochine comme André Maire, Joseph Inguimberty, Victor Tardieu ou Jean Bouchaud. Elle a cependant en commun avec le mouvement extrême-orientaliste la recherche permanente des techniques locales d’expression picturale comme l’encre noire, la tempera ou la peinture sur soie. C’est cependant pour avoir relancé l’art de la laque qu’elle est aujourd’hui reconnue comme une des peintres d’art asiatique les plus prisées. N’ayant pas pu acquérir ces trésors, j’invite vivement les personnes intéressées à découvrir ses œuvres sur internet.
RENÉE JULLIEN (1903-1999)
Renée Jullien, formée aux Beaux-Arts à Paris, fut la première femme à être distinguée en 1923 au concours du Prix de Rome. Connue pour ses peintures provençales ou espagnoles, elle ne fait pas vraiment partie de l’école extrême-orientaliste. Elle a cependant fait un long séjour en Chine, au Yunnan, et en a rapporté de beaux dessins et peintures ainsi que la matière de deux livres, Histoires d’Asie et, sous le nom de Renée Jullien-Hellet, Yun-Nan-Fou, la ville des nuages (1937), magnifiquement illustré, dont la préface a été écrite par Albert Bodard, ancien Consul Général au Yunnan et au Sichuan (son fils Lucien, écrivain prolifique, a raconté les aventures de son père et a décrit la Chine de l’époque dans ses livres célèbres Le Consul et Le fils du Consul).
GENEVIÈVE COUTEAU (1924-2013)
Geneviève Couteau figure ici plus comme héritière que comme actrice du mouvement extrême-orientaliste. Peintre, dessinatrice, décoratrice de théâtre, elle s’exprima aussi par la gravure et fit plusieurs séjours en Asie, notamment au Laos et en Indonésie. Proche du Prince Souvanna Phouma, elle a fait plusieurs portraits des membres de la famille royale laotienne, vivant à partir de 1968 à Vientiane et à Luang-Prabang. En 1972, à l’invitation du Prince Boun Om, elle s’installe dans le sud du pays et vit, en le peignant, les dernières années d’un pays aux traditions séculaires mais bouleversé par la guerre d’Indochine. Elle a vécu ensuite à Bali et en a ramené des peintures et des dessins très personnels qui l’inscrivent dans la lignée des peintres féministes du mouvement. Elle est aussi l’auteur du livre Mémoires du Laos, Editions Seghers, Paris 1988, ainsi que de Itinéraire, édition La Dogana, 2000. Une exposition de ses œuvres asiatiques a été organisée à Djakarta en 2018.