Lilian May Miller, Tokyo Coolie Boy 1920

EXTRÊME-ORIENT,
UN REGARD OCCIDENTAL

Brown Pieter, Jehol Manchuria in winter
M. Keen et M. Lee, Séoul, Corée, 1951

PAUL JACOULET ET LES ÎLES DU PACIFIQUE

La carrière artistique de Paul Jacoulet ne prend son envol qu’à partir de 1929. Il a déjà 33 ans. Jusqu’alors, il a dessiné, copié des estampes et fait quelques aquarelles mais a surtout mené une vie de bohème. Deux événements l’amènent à prendre un nouveau chemin : le soutien financier que lui apporte sa mère revenue de France et qui lui permet de jouir d’une grande liberté et de se consacrer entièrement à la peinture ; et surtout la découverte des îles du Pacifique, auxquelles il faut ajouter les Célèbes, déclenche en lui des vagues d’émotions qui sont les sources d’une production exceptionnelle d’innombrables aquarelles dont une partie donnera naissance aux estampes à partir de 1934.

Ses fréquents séjours dans les îles, entre 1929 et 1932, lui offrent plusieurs amitiés masculines mais aussi la lumière et les couleurs qui vont inonder ses peintures. Il est fasciné par une nature bariolée extravagante et par des populations d’une grande simplicité et pourtant d’une riche apparence, qui sont pour lui autant de portraits vivants qu’il pare de bijoux, de tatouages, de fleurs pour mettre en valeur une culture et une civilisation en voie de disparition. Les îles « paradisiaques » que sont les Carolines, les Mariannes et les Marshall ont en effet subi depuis des décennies la lente pénétration des missionnaires, des Espagnols, des Américains et des Allemands avant de connaître depuis 1919 la dure colonisation du Japon agissant sous couvert du Mandat que lui a accordé la Société des Nations après le Traité de Versailles.

Les populations fragilisées se composent alors de deux groupes principaux : d’une part, les citadins des quelques villes et ports où se concentre l’activité économique, anciennement installés et souvent christianisés, au sang mêlé, menant des vies simples, aux vêtements stricts et en voie d’intégration au monde moderne. Plusieurs de ces familles - les Nedelec, Hartmann, Sablan - accueillent Paul Jacoulet avec un grand sens de l’hospitalité et elles sont peintes par l’artiste avec respect et admiration ; et d’autre part, les habitants des campagnes ou des plages, appelés « indigènes », généralement sans travail, qui ont gardé leurs coiffures colorées, leurs tatouages savants, leurs bijoux traditionnels et leurs déshabillés et dont le mode de vie et la culture sont en péril. L’artiste fréquente ces deux mondes avec la même empathie, mêle ethnographie précise et douce volupté, y noue des amitiés et des affections profondes ou passagères, pleinement conscient de l’urgence de fixer par ses dessins, aquarelles et estampes l’exceptionnelle richesse de ces sociétés traditionnelles.

Son témoignage a ici la même force que ceux de Paul Gauguin et de Victor Segalen à Tahiti quand, trente ans plus tôt, par la peinture ou par l’écrit, ils alertaient l’Occident sur l’agonie de la civilisation maorie. Paul Jacoulet a lui pour argument principal l’exceptionnelle « visibilité » des personnages qu’il met en scène, parfois dans leur nudité et leur simplicité, parfois parés comme des seigneurs, sérieux ou provocants, empreints d’une profonde tristesse ou esquissant un sourire apaisé, mais toujours porteurs d’une infinie beauté qu’il a le don unique de nous révéler.

La collection

Jeune fille de Saïpan et fleurs d’hibiscus, Mariannes, juin 1934. Coll. J.D. (La toute première estampe de Paul Jacoulet).
Jeune fille de Saïpan et fleurs d’hibiscus, Mariannes, juin 1934. Coll. J.D. (La toute première estampe de Paul Jacoulet.)
Melle Rita Sablan-Diaz, Chamorro de Guam, Marianes, octobre 1934. Coll. J.D. (Il s’agit d’une des filles de Gregorio Sablan, riche commerçant d’origine Chamorro, qui accueillit Jacoulet à Saïpan en 1930 et devint son ami. Il fit plusieurs portraits d’elle sous forme d’aquarelles en 1930, 1931 et encore en 1941).
Melle Rita Sablan-Diaz, Chamorro de Guam, Marianes, octobre 1934. Coll. J.D. (Il s’agit d’une des filles de Gregorio Sablan, riche commerçant d’origine Chamorro, qui accueillit Jacoulet à Saïpan en 1930 et devint son ami. Il fit plusieurs portraits d’elle sous forme d’aquarelles en 1930, 1931 et encore en 1941.)
Portrait of a Chamorro woman - red, novembre 1934. Coll. J.D. (La jeune femme s’appelait Conception Guerrero).
Portrait of a Chamorro woman - red, novembre 1934. Coll. J.D. (La jeune femme s’appelait Conception Guerrero.)
Portrait of a Chamorro woman – yellow, novembre 1934. Coll. J.D. (La jeune femme s’appelait Joanita Utalaan).
Portrait of a Chamorro woman – yellow, novembre 1934. Coll. J.D. (La jeune femme s’appelait Joanita Utalaan.)
Portrait of a Chamorro woman – violet, novembre 1934. Coll. J.D. (La jeune femme s’appelait Carmen Blanco).
Portrait of a Chamorro woman – violet, novembre 1934. Coll. J.D. (La jeune femme s’appelait Carmen Blanco.)

Les trois estampes ci-dessus font partie d’une série nommée « Rainbow , seven women of the South Seas », qui reprennent les couleurs de l’arc-en-ciel. Les jeunes femmes habitaient l’île de Saïpan des Mariannes du Nord.

Homme de Menado et mangoustans, Célèbes, janvier 1935. Coll. J.D. ( Lors de ses voyages dans le Pacifique, Jacoulet a poussé jusqu’aux Célèbes et plusieurs estampes en attestent. Le mangoustanier est un arbre originaire d’Indonésie. L’aquarelle initiale date de juillet 1932 et précise qu’il s’agit d’un marchand de Manado).
Homme de Menado et mangoustans, Célèbes, janvier 1935. Coll. J.D. ( Lors de ses voyages dans le Pacifique, Jacoulet a poussé jusqu’aux Célèbes et plusieurs estampes en attestent. Le mangoustanier est un arbre originaire d’Indonésie. L’aquarelle initiale date de juillet 1932 et précise qu’il s’agit d’un marchand de Manado.)
Une jeune fille de Fidji, Série fleurs, février 1935. Coll. J.D. (L’aquarelle de base précise : portrait de Melle B.H., jeune fille de Fidji, fait à Toloas, Truck, mai 1932. Il s’agit vraisemblablement d’une des filles de la famille Hartmann, sans doute Melle Bear Hartmann dont la sœur Rida a fait l’objet du portrait intitulé Fleurs du soir daté de 1941).
Une jeune fille de Fidji, Série fleurs, février 1935. Coll. J.D. (L’aquarelle de base précise : portrait de Melle B.H., jeune fille de Fidji, fait à Toloas, Truck, mai 1932. Il s’agit vraisemblablement d’une des filles de la famille Hartmann, sans doute Melle Bear Hartmann dont la sœur Rida a fait l’objet du portrait intitulé Fleurs du soir daté de 1941.)
Une belle de Palaos, novembre 1935. Coll. J.D. (Les Palaos font partie des îles Carolines. Une première aquarelle faite dès mars 1929, donc au tout début du premier voyage de Jacoulet en Micronésie,  présente le même modèle alors accompagnée de « son ami Santiago ». Une nouvelle aquarelle de mai 1932, très proche de cette estampe, précise que la jeune femme se prénomme Isabella.)
Une belle de Palaos, novembre 1935. Coll. J.D. (Les Palaos font partie des îles Carolines. Une première aquarelle faite dès mars 1929, donc au tout début du premier voyage de Jacoulet en Micronésie, présente le même modèle alors accompagnée de « son ami Santiago ». Une nouvelle aquarelle de mai 1932, très proche de cette estampe, précise que la jeune femme se prénomme Isabella.)
Un homme de Yap, Ouest Carolines, novembre 1935. Coll. J.D.
Un homme de Yap, Ouest Carolines, novembre 1935. Coll. J.D.
Le rocher de Jokadj, Ponape, Est Carolines, mars 1936. Coll. J.D. (Ponape est l’actuelle Pohnpei. L’aquarelle initiale de 1934 précise que la jeune femme se prénomme Bertha).
Le rocher de Jokadj, Ponape, Est Carolines, mars 1936. Coll. J.D. (Ponape est l’actuelle Pohnpei. L’aquarelle initiale de 1934 précise que la jeune femme se prénomme Bertha.)
Fleurs violettes, Tomil, Yap, janvier 1937. Coll. J.D. (A l’époque, les dents noircies étaient un maquillage de beauté dans les îles Carolines. L’aquarelle initiale date de juin 1932 et indique qu’il s’agit du « portrait de Y.jeune femme du village de Tomil »).
Fleurs violettes, Tomil, Yap, janvier 1937. Coll. J.D. (A l’époque, les dents noircies étaient un maquillage de beauté dans les îles Carolines. L’aquarelle initiale date de juin 1932 et indique qu’il s’agit du « portrait de Y.jeune femme du village de Tomil ».)
Les paradisiers, Menado, Célèbes, décembre 1937. Coll. J.D. (Les oiseaux de paradis, originaires de Nouvelle-guinée, ont fasciné l’Occident depuis Magellan. Ils sont aussi connus pour l’extravagance de leur parade nuptiale. Interessé par  les habitants des Célèbes, l’artiste va leur consacrer une dizaine d’estampes).
Les paradisiers, Menado, Célèbes, décembre 1937. Coll. J.D. (Les oiseaux de paradis, originaires de Nouvelle-guinée, ont fasciné l’Occident depuis Magellan. Ils sont aussi connus pour l’extravagance de leur parade nuptiale. Interessé par les habitants des Célèbes, l’artiste va leur consacrer une dizaine d’estampes.)
La nouvelle robe, Metalanim, Ponape, juillet 1938. Coll. J.D. (Metalanim est le port principal de l’île de Ponape – aujourd’hui Pohnpei – situé dans les îles Carolines. L’aquarelle initiale a été faite en 1930. Le portrait est celui de la fille d’un chef de village).
La nouvelle robe, Metalanim, Ponape, juillet 1938. Coll. J.D. (Metalanim est le port principal de l’île de Ponape – aujourd’hui Pohnpei – situé dans les îles Carolines. L’aquarelle initiale a été faite en 1930. Le portrait est celui de la fille d’un chef de village.)
Coucher de soleil à Menado, Célèbes, décembre 1938. Coll. J.D. (Plusieurs estampes illustrant la vie aux Célèbes montrent que l’artiste appréciait la liberté de mœurs qui y régnait).
Coucher de soleil à Menado, Célèbes, décembre 1938. Coll. J.D. (Plusieurs estampes illustrant la vie aux Célèbes montrent que l’artiste appréciait la liberté de mœurs qui y régnait.)
Le chemin à l’église, Chamorros de Guam, 1939. Coll. J.D. (Jeunes femmes endimanchées, missel en mains).
Le chemin à l’église, Chamorros de Guam, 1939. Coll. J.D. (Jeunes femmes endimanchées, missel en mains.)
Vendeuse de mangues, Mariannes, 1939. Coll. J.D. (Une première aquarelle est faite dès 1930).
Vendeuse de mangues, Mariannes, 1939. Coll. J.D. (Une première aquarelle est faite dès 1930.)
Les papillons, Tropiques, 1939. Coll. J.D. (La collection de papillons de Jacoulet, forte de plus de cent mille spécimens, était à l’époque une des plus célèbres au monde).
Les papillons, Tropiques, 1939. Coll. J.D. (La collection de papillons de Jacoulet, forte de plus de cent mille spécimens, était à l’époque une des plus célèbres au monde.)
Le betel, Yap, 1940. Coll. J.D. (Les noix de betel, parfumées de feuilles de menthe, sont mâchées et appréciées pour leurs effets stimulants. L’aquarelle de base de 1939 précise qu’il s’agit du « portrait de Houfass, jeune homme de Tomil »).
Le betel, Yap, 1940. Coll. J.D. (Les noix de betel, parfumées de feuilles de menthe, sont mâchées et appréciées pour leurs effets stimulants. L’aquarelle de base de 1939 précise qu’il s’agit du « portrait de Houfass, jeune homme de Tomil ».)
Fleurs des îles lointaines, Mers du Sud, 1940. Coll. J.D. (Jacoulet n’a fait que deux estampes de paysages : celle-ci et Cactus de 1941).
Fleurs des îles lointaines, Mers du Sud, 1940. Coll. J.D. (Jacoulet n’a fait que deux estampes de paysages : celle-ci et Cactus de 1941.)
Après la danse, Célèbes, 1940. Coll. J.D.
Après la danse, Célèbes, 1940. Coll. J.D.
Calme, Truck, 1941. Coll. J.D.
Calme, Truck, 1941. Coll. J.D.
Fleurs du soir, Truck, Toloas, 1941. Coll. J.D. (Une première aquarelle de cette jeune femme, faite dès mai 1929, prècise qu’il s’agit de Melle Rida Hartmann. Elle était la petite-fille d’un allemand qui avait épousé une femme des Fidji. La famille Hartmann a accueilli Jacoulet  lors de ses séjours à Truck).
Fleurs du soir, Truck, Toloas, 1941. Coll. J.D. (Une première aquarelle de cette jeune femme, faite dès mai 1929, prècise qu’il s’agit de Melle Rida Hartmann. Elle était la petite-fille d’un allemand qui avait épousé une femme des Fidji. La famille Hartmann a accueilli Jacoulet lors de ses séjours à Truck.)
Cactus, Mers du Sud, 1941. Coll. J.D. (Le second et dernier paysage fait par Jacoulet après les Fleurs des îles lointaines en 1940).
Cactus, Mers du Sud, 1941. Coll. J.D. (Le second et dernier paysage fait par Jacoulet après les Fleurs des îles lointaines en 1940.)
L’attente, Célèbes, Menado, 1947. Coll. J.D. (L’aquarelle initiale date de mars 1929 et s’intitulait « un joli garçon de Menado ». Une seconde aquarelle préparatoire de 1940 précise « jeune garçon équivoque de Menado ». La ressemblance avec un des deux personnages du Coucher de soleil à Menado de 1938 est frappante.)
L’attente, Célèbes, Menado, 1947. Coll. J.D. (L’aquarelle initiale date de mars 1929 et s’intitulait « un joli garçon de Menado ». Une seconde aquarelle préparatoire de 1940 précise « jeune garçon équivoque de Menado ». La ressemblance avec un des deux personnages du Coucher de soleil à Menado de 1938 est frappante.)
Joaquina et sa mère au sermon du Père Pons, Rota, Mariannes, 1947. Coll. J.D. (L’aquarelle de base faite en 1942 indique qu’il s’agit de Mme et Melle Guerrero à l’église de Rota. La mère et la fille sont d’une riche famille Chamorro et écoutent le sermon du Père Pons, ancien secrétaire du Cardinal Pacelli, élu Pape en 1939 sous le nom de Pie XII. Le Père Pons meurt sur l’île de Rota pendant la guerre. L’estampe est faite à sa mémoire, dédicacée à Pie XII et figure dans les collections du Vatican).
Joaquina et sa mère au sermon du Père Pons, Rota, Mariannes, 1947. Coll. J.D. (L’aquarelle de base faite en 1942 indique qu’il s’agit de Mme et Melle Guerrero à l’église de Rota. La mère et la fille sont d’une riche famille Chamorro et écoutent le sermon du Père Pons, ancien secrétaire du Cardinal Pacelli, élu Pape en 1939 sous le nom de Pie XII. Le Père Pons meurt sur l’île de Rota pendant la guerre. L’estampe est faite à sa mémoire, dédicacée à Pie XII et figure dans les collections du Vatican.)
Retour de la jungle, Tondano, Célèbes, 1948. Coll. J.D. (Un autre exemple de trio féminin que Jacoulet aimait présenter. Cette estampe, dont l’aquarelle initiale date de 1941, a été dédicacée spécialement au Général Mac Arthur, commandant des troupes américaines au Japon, qui a été un des principaux soutiens de Paul Jacoulet).
Retour de la jungle, Tondano, Célèbes, 1948. Coll. J.D. (Un autre exemple de trio féminin que Jacoulet aimait présenter. Cette estampe, dont l’aquarelle initiale date de 1941, a été dédicacée spécialement au Général Mac Arthur, commandant des troupes américaines au Japon, qui a été un des principaux soutiens de Paul Jacoulet.)
Sous les bananiers, Tomil, Yap, avril 1948. Coll. J.D. (Deux aquarelles initiales de 1930 puis de 1941 précisent qu’il s’agit de « la petite Yagourhou »).
Sous les bananiers, Tomil, Yap, avril 1948. Coll. J.D. (Deux aquarelles initiales de 1930 puis de 1941 précisent qu’il s’agit de « la petite Yagourhou ».)
La perruche morte, Célèbes, 1948. Coll. J.D. (L’aquarelle initiale est de 1942).
La perruche morte, Célèbes, 1948. Coll. J.D. (L’aquarelle initiale est de 1942.)
La tresseuse de paniers, Remoue, Yap, 1948. Coll. J.D. (Deux aquarelles ont précédé cette estampe, une dès 1930, l’autre en 1942).
La tresseuse de paniers, Remoue, Yap, 1948. Coll. J.D. (Deux aquarelles ont précédé cette estampe, une dès 1930, l’autre en 1942.)
La gerbe d’anthurium, Angur, M.du S., 1951. Coll. J.D.
La gerbe d’anthurium, Angur, M.du S., 1951. Coll. J.D.
Les aristoloches géants, Tondano, Célèbes, 1953. Coll. J.D.
Les aristoloches géants, Tondano, Célèbes, 1953. Coll. J.D.
La fille du chef, Mogomog, septembre 1953, coll. J.D. (Paul Jacoulet réalise cette estampe 23 ans après l’aquarelle initiale faite en juin 1930 qui précisait : « portrait de la petite Giltamag, fille du chef d’Oleai, Rull, Yap ».)
La fille du chef, Mogomog, septembre 1953, coll. J.D. (Paul Jacoulet réalise cette estampe 23 ans après l’aquarelle initiale faite en juin 1930 qui précisait : « portrait de la petite Giltamag, fille du chef d’Oleai, Rull, Yap ».)